Lettre de solidarité envers les victimes de Chevron

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CDES | 8 septembre 2018

Lettre de solidarité envers les victimes de Chevron

Les personnes qui souscrivent à cette lettre sont des femmes et des hommes appartenant à des peuples, des communautés, des organisations sociales et collectives qui travaillent chaque jour pour défendre les droits de l’Homme et de la Nature.

Le 7 Septembre 2018, il a été rendu public la sentence arbitrale du 30 Août, délivrée par un tribunal international d’arbitrage géré par la Cour permanente d’arbitrage à La Haye et constitué sous les auspices du Traité de promotion et la protection réciproques des investissements adopté entre les États-Unis et l’Équateur en 1997 et dénoncé par l’Équateur en 2017.

La Cour a statué dans cette sentence en faveur de la société transnationale Chevron et de sa filiale Texaco, déclarant que l’Équateur, en particulier son pouvoir judiciaire, avait violé diverses obligations découlant de l’accord d’investissement. De l’avis des arbitres, cette violation est le résultat du jugement émis à l’encontre de la compagnie pétrolière en 2011, la condamnant à payer neuf mille cinq cents millions de dollars pour des crimes contre les droits de l’Homme et la nature causés par les opérations de Texaco pendant plus de 20 ans en Amazonie. Selon les arbitres, cette décision, qui a donné raison à un large éventail de plaignants composés de personnes appartenant à des communautés et peuples autochtones touchés par des déchets toxiques, a été obtenue par la fraude et la corruption. Avec cet argument, les arbitres ont tissé un manteau d’impunité à la taille de la compagnie pétrolière, ce qui permet non seulement à cette multinationale de ne pas se conformer à l’arrêt et de ne pas compenser les milliers de victimes, mais aussi d’obtenir une énorme quantité de fonds publics équatoriens à titre de compensation.

Cette décision est une preuve supplémentaire de l’impunité juridique que les traités de commerce et d’investissement accordent aux sociétés transnationales, leur permettant non seulement de violer les droits de l’homme et de la nature sans en payer les conséquences, mais aussi d’agir contre les finances publiques des Etats souverains, contraint par la force de ces traités qui, même dénoncés, finissent par l’emporter sur les droits de l’Homme.

Les signataires de cette lettre souhaitent exprimer leur rejet de cette décision et leur soutien apporté à la population de l’Équateur et aux organisations qui ont défendu les communautés affectées par Chevron Texaco, ainsi qu’exprimer leur profonde préoccupation face aux signaux qui ont été transmis au gouvernement équatorien à propos de l’affaire Chevron et de ses répercussions sur la primauté des droits de l’Homme et de la Nature.

Il est important de rappeler que l’Équateur a fait l’Histoire en incluant l’article 422 dans la Constitution de 2008, qui interdit le transfert de la compétence souveraine aux organismes internationaux d’arbitrage dans les litiges de nature contractuelle ou commerciale entre l’État et personnes physiques ou morales privées. Dans le même ordre d’idées, l’Équateur a lancé une grande campagne pour dénoncer les crimes contre la nature commis par les compagnies pétrolières, où des personnalités de renommée mondiale ont participé, en soutenant plus de 30.000 personnes affectées par les rejets toxiques de Texaco. En outre, l’Equateur parraine et soutient le processus de traité contraignant aux Nations Unies, et préside le Groupe de travail intergouvernemental sur les sociétés transnationales (STN) et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’Homme, dont le mandat est d’élaborer un instrument juridiquement contraignant afin de réglementer les activités des sociétés transnationales et autres sociétés dans le droit international des droits de l’Homme.

Toutes ces initiatives ont reçu une reconnaissance internationale par la part de milliers d’organisations et de collectifs de défense des droits de l’Homme et de la Nature, qui, consternés et profondément préoccupés, portent maintenant leur regard sur l’Équateur et le gouvernement de Lenin Moreno.

Au lieu de défendre son système judiciaire et l’application du droit à l’accès à la justice dans le pays, ainsi que les principes constitutionnels concernant les traités d’investissement et les droits des communautés et des personnes touchées, le gouvernement de l’Equateur a publié le 6 septembre, une déclaration dans laquelle il a annoncé, connaissant déjà la teneur de la sentence arbitrale encore inconnue de l’opinion publique, qu’il demanderait au procureur général que tout dommage causé à l’Etat dans ce cas soit transféré à des représentants du gouvernement de l’ancien président Rafael Correa. Toutefois, il convient de noter que, depuis que le gouvernement de Lenin Moreno a pris ses fonctions, il a indiqué via divers fonctionnaires qu’il chercherait « le dialogue avec Chevron », comme l’avait annoncé en septembre 2017, le ministre du Commerce extérieur, Pablo Campana.

Il faut attirer l’attention sur le fait que les fonctionnaires du gouvernement actuel de l’Équateur, comme le ministre des Affaires étrangères José Valencia, se sont exprimés publiquement contre les violations commises par Chevron en Equateur. Par conséquent, ces fonctionnaires actuels du gouvernement équatorien ont-ils manipulé l’opinion publique?

Ce ne sont pas les premières reculades du gouvernement de Lenin Moreno, dont l’ambassadeur auprès des Nations Unies à Genève a publié en juin un projet de Traité contraignant sur les entreprises et les droits de l’Homme, avec un contenu insuffisant, inexact et délibérément peu exigeant pour la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme, qui tourne le dos à quatre années de travail sur la scène internationale et gaspille les efforts de la société civile mondiale pour consolider les synergies sur la scène internationale.

L’inquiétude quant à la dérive du gouvernement actuel de Lenin Moreno, qui tourne le dos aux droits de l’Homme et au bien-être de la majorité de la population, augmente de jour en jour, par conséquent, les signataires ont donc décidé d’agir pour défendre nos collègues affectés par Chevron Texaco. À cet égard, nous demandons au gouvernement équatorien de rendre transparentes toutes les informations sur la défense exercée en faveur des intérêts de l’État équatorien et du peuple équatorien, sur tous les dialogues tenus avec la société Chevron. De même, nous demandons une explication de ce que sera sa ligne d’action pour la défense des droits des victimes de transnationales dans ce cas et dans la mesure du possible, ainsi que la rectification de la ligne assurée par sa mission permanente à Genève concernant le projet de traité présenté dans le dos de la société civile et de ceux qui sont touchés et affectés par les transnationales.

Nos organisations luttent contre les violations de ces droits, commises par les sociétés multinationales, défendent les personnes touchées, s’efforcent de mettre fin à l’impunité de ces entreprises et s’efforcent d’obtenir la pleine primauté des droits de l’Homme et de la Nature face aux politiques visant à promouvoir le commerce et à attirer les investissements. L’Équateur était un allié dans nombre de ces luttes, nous espérons que le gouvernement de Lenin Moreno reviendra sur la voie de la défense des droits de l’Homme et de la Nature contre le pouvoir des transnationales.

Veuillez faire circuler dans vos réseaux et contacts, nous cherchons à amplifier le soutien des personnes ou organisations souhaitant faire preuve de solidarité envers les personnes affectées par Texaco.

Si vous souhaitez soutenir cette action avec votre organisation ou personnellement, envoyez un courrier électronique à: mailto:cdes@cdes.org.ec

DERNER DELAI: lundi 10 septembre à 15 heures (8 am Ecuador).

#Chevronculpable #Nosmasimpunidad

source: CDES