Arbitrages miniers : le business des litigation funds menace le régime de Magufuli

Africa Intelligence | 25 août 2020

Arbitrages miniers : le business des litigation funds menace le régime de Magufuli

Après plusieurs mois à menacer de lancer des procédures d’arbitrage contre l’Etat tanzanien pour annulation de leurs permis miniers, trois sociétés ont décidé de concrétiser leur action, rendue possible grâce aux fonds octroyés par des financeurs dédiés à ce type d’activité.

Si la société australienne Indiana Resources se prépare à engager un arbitrage devant le Cirdi (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) contre la Tanzanie, c’est qu’elle a trouvé un financeur pour la procédure, un litigation fund. Ainsi, Litigation Capital Management (LCM), établi en Australie mais coté à Londres, a convenu de lui donner 4,65 millions de dollars. Indiana devra lui verser une partie de ses dommages et intérêts dans le cas où il remporte cet arbitrage.

LCM n’est qu’un litigation fund parmi un grand nombre d’autres. Ces sociétés font une avance de fonds à une autre afin de financer un contentieux ou un arbitrage en échange d’un versement en cas de victoire de la procédure qui peut se monter jusqu’à 20 à 40 % des gains. Les entreprises, mais aussi des groupes d’individus ou actionnaires dans le monde anglo-saxon, ont fréquemment recours à ces litigation funds.

L’arbitrage d’Indiana fait suite au retrait unilatéral, en décembre, par le gouvernement tanzanien, de sa retention licence (RL) sur le site de nickel de Ntaka Hill. Les RL sont des permis dont un minier est autorisé à conserver la propriété même s’il ne réalise aucune d’activité sur la zone de prospection du fait de circonstances exceptionnelles. Mais la loi adoptée en 2017 en Tanzanie (Africa Intelligence du 28/01/20) a supprimé ces permis et, depuis l’annulation du titre, les tentatives de négociation d’Indiana avec les équipes du très protectionniste président John Magufuli n’ont mené à rien. La compagnie a donc décidé de se pourvoir en arbitrage.
Procédures en cascade

Le canadien Winshear Gold a quant à lui engagé dès le 27 juillet un arbitrage au Cirdi contre l’Etat tanzanien pour annulation de sa RL sur l’or de SMP en décembre. Selon nos informations, la société considérait que son délai maximal pour engager un arbitrage arrivait à son terme et l’a donc déjà lancé, avant d’avoir trouvé un financeur. Avec l’appui de ses avocats du cabinet Lalive, Winshear serait cependant en discussion avec plusieurs litigation funds.

Autre société canadienne à qui le gouvernement tanzanien avait retiré sa RL fin 2019, cette fois-ci pour les terres rares de Wigu Hill, Montero Mining & Exploration est aussi en négociation avec des litigation funds, prévoyant ensuite de se pourvoir auprès du Cirdi. Son PDG, Tony Harwood, a dirigé par le passé Africo Resources, dont les ex-actionnaires sont engagés dans une procédure devant la justice américaine contre le fonds Och-Ziff Capital Management Group (désormais Sculptor Capital Management) au sujet d’actifs miniers en RDC (Africa Intelligence du 20/05/20).