Décharge de Mediouna: Ecomed réclame 75 millions de dollars au Maroc et menace de saisir le CIRDI

Medias24 | 25 juillet 2018

Décharge de Mediouna: Ecomed réclame 75 millions de dollars au Maroc et menace de saisir le CIRDI

Par Abdelali El Hourri

A travers ses sociétés mères, l’ancien gestionnaire délégué de la décharge de Médiouna menace de poursuivre le Maroc devant le CIRDI et lui réclame 75 millions de dollars de dédommagement.

Le dossier de la décharge de Médiouna (Casablanca) risque de s’exporter à Washington. Ecartée de la gestion des déchets de Casablanca, la société Ecomed menace le Maroc d’un recours devant le CIRDI, organisme d’arbitrage rattaché à la Banque mondiale.

En ce sens, un «avis d’intention» a été adressé le 12 juin à plusieurs départements marocains, dont le Chef du gouvernement, le ministère de l’Intérieur, celui de l’Economie ou encore celui des Affaires étrangères.

Les auteurs de la lettre sont Edgeboro et GESI. Ces deux sociétés américaines sont à l’origine de la création en joint-venture d’Ecomed en 2008, année durant laquelle cette dernière a conclu une convention de gestion déléguée afin de gérer les sites de gestion des déchets solides de la ville de Casablanca.

«Le contrat confère à Ecomed le droit exclusif d’exploiter la décharge existante de Mediouna pendant une période transitoire, puis d’effectuer des travaux de réhabilitation sur le site et de concevoir, financer, contracter et exploiter une nouvelle décharge de Casablanca sur un site de 82 hectares», rappelle-t-on dans le document.

Or, «dès le début du contrat, la ville de Casablanca n’a pas tenu ses promesses, malgré les efforts d’Ecomed sous la direction des investisseurs pour remplir ses obligations contractuelles». D’où le litige, la société imputant au Royaume du Maroc, «la violation d’engagements contractuels» commise par la commune de Casablanca.

Au total, Edgeboro et GESI estiment à 75 millions de dollars «les pertes diverses» résultant de ces «violations». Une somme dont elles comptent réclamer la compensation devant le CIRDI. Elles sont accompagnées par Hogan Lovells, cabinet d’avocats américain à vocation mondiale.

Ecomed accuse la ville de ne pas lui avoir fourni les terrains pour développer la nouvelle décharge

Concrètement, Ecomed reproche à la ville de Casablanca d’avoir manqué à «son obligation contractuelle essentielle», consistant à lui fournir des «terrains pour développer la nouvelle décharge de la ville». A l’époque, le constat était que la décharge principale (Mediouna) «servait déjà mal les besoins de la ville en matière d’élimination des déchets», constatent les plaignants.

Ainsi, le contrat signé avec Ecomed exigeait que la ville transfère au prestataire «82 hectares de terrain» et ce «à la date d’entrée en vigueur du contrat (17 novembre 2008)». L’accord prévoyait également une courte période de transition de deux ans pour le gestionnaire «afin d’établir une nouvelle décharge sur le site et d’arrêter les activités» de celle de Mediouna.

«Au lieu de cela, la ville a forcé Ecomed à accepter des modifications de contrat, prolongeant la période transitoire de 2 ans prévus initialement à dix ans», se plaint la société. De plus, le site offert «ne comptait que 35 hectares, soit moins de la moitié de la superficie de 82 hectares promise dans le cadre du contrat», lit-on dans la lettre.

Ecomed estime donc avoir été «contrainte» de passer une période prolongée à exploiter une décharge «mal conçue et vieillissante». Sachant que le retard dans la fermeture de la décharge de Mediouna «a entraîné une détérioration des conditions environnementales et sanitaires de la décharge».

«Des chiffonniers à Médiouna»

La Convention entre Ecomed et la ville astreignait celle-ci «à exercer son pouvoir de police pour évacuer le bétail et les personnes du site d’enfouissement existant de Mediouna avant de livrer la propriété à Ecomed, ainsi que pour assurer la sécurité afin de s’assurer que le site ne subisse une telle intrusion sur la durée du contrat». Selon la lettre, cette autre obligation contractuelle n’a pas été respectée par les autorités de la capitale économique, qui n’a pas «réussi à garantir la sécurité du site».

«De nombreux chiffonniers ont été autorisés à rester sur le site, affectant directement la capacité d’Ecomed à accomplir ses tâches, y compris la création d’une installation de tri désignée, et provoquant des actions violentes et des incendies causés par les chiffonniers sur le site d’enfouissement», se plaint l’ancien prestataire.

Des frais impayés

Ecomed dit avoir été «privée du bénéfice de ses investissements», la ville ayant refusé «à plusieurs reprises de lui payer des frais dus en vertu du contrat». La société cite en exemple un «montant de 218 MDH pour les services rendus». A quoi il faut ajouter «frais impayés» comprenant «les montants dépensés pour le travail sur l’ancien site d’enfouissement de Mediouna, y compris les dépenses supplémentaires encourues par Ecomed et ses investisseurs en raison de l’incapacité de la ville à maintenir la sécurité à la décharge».

Rupture arbitraire du contrat

En plus de tous ces «manquements», Ecomed reproche à son co-contractant d’avoir résilié de manière «arbitraire» et «illégale» le contrat de gestion délégué.

La lettre rappelle que le 5 avril 2018, la ville avait dans un premier temps demandé à Ecomed d’entamer des discussions afin de mettre fin au contrat à l’amiable, avant de procéder «unilatéralement» à sa résiliation.

Le 31 mai 2018, le conseil de la ville avait ainsi «adressé une lettre de résiliation à Ecomed, annonçant son intention de mettre prématurément fin au contrat, sans compensation pour Ecomed ou pour les investisseurs». Un comportement que ces derniers interprètent comme «une expropriation».

Par ailleurs, la commune avait également entamé une procédure judiciaire devant le tribunal administratif de Casablanca afin de prendre en charge [elle ou une autre société] la décharge». Ce qui lui a été accordé par une ordonnance rendue en référé le 7 juin 2018, exécutée dès cette semaine avec l’attribution temporaire de la gestion de la décharge à la société SOS-Ndd.

Un accord amiable encore possible

«Ecomed a toujours cherché à résoudre ces problèmes avec la ville au cours des dernières années afin de satisfaire à ses obligations contractuelles et d’exécuter le contrat, mais en vain», regrettent Edgeboro et GESI. Elles reprochent au Maroc de ne pas avoir traité leur «investissement de manière équitable», bafouant notamment «l’accord de libre échange entre les Etats-Unis et le Royaume», daté du 15 juin 2004.

A la date où la lettre a été rédigée (12 juin), les deux sociétés américaines «espéraient» encore un accord amiable avec le Maroc, et ce avant «toute procédure juridique». Néanmoins, elles avaient annoncé que «si les négociations et les consultations» entre elles et le Maroc «ne sont pas concluantes», elles soumettraient «une demande d’arbitrage» devant le CIRDI.

Affaire à suivre…

source: Medias24