La CJUE interrogée sur la validité de la clause d’arbitrage prévue par un TBI conclu entre États membres

Dalloz | 27 septembre 2017

La CJUE interrogée sur la validité de la clause d’arbitrage prévue par un TBI conclu entre États membres

par Tennessee Soudain

L’avocat général, M. Wathelet, prend position sur la clause d’arbitrage du traité bilatéral conclu entre les Pays-Bas et la Slovaquie et estime que celle-ci est compatible avec le principe de non-discrimination, avec le mécanisme de renvoi préjudiciel et avec le principe d’autonomie du système juridique de l’Union européenne.

Le renvoi préjudiciel, formé dans cette affaire, offre à la Cour de justice de l’Union européenne la première opportunité de s’exprimer sur la compatibilité entre certains principes du droit de l’Union européenne et les Traités bilatéraux d’investissement (TBI) conclus entre États membres, notamment en ce qui concerne le règlement des différends par la voie arbitrale. Compte tenu des 196 Traités bilatéraux qui existent entre États membres de l’Union, la réponse de la Cour revêt une importance primordiale.

L’affaire concerne un litige entre un investisseur néerlandais et la République slovaque en vertu du TBI conclu entre ces deux États. En 2008, Achmea BV, entreprise appartenant à un groupe d’assurance néerlandais a intenté une procédure arbitrale contre la République slovaque estimant que les nouvelles réglementations qui lui portaient préjudice étaient contraires au Traité bilatéral d’investissement. Constitué conformément au règlement d’arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, le Tribunal arbitral s’est réuni en Allemagne. Il juge dans sa sentence finale qu’une partie des mesures prises par la République slovaque violait les clauses de traitement juste et équitable et de libre transfert des paiements du TBI.

Saisie d’un recours en annulation de cette sentence finale, la Cour de justice fédérale allemande (Bundesgerichtshof) ne partage pas les doutes de la République slovaque sur la compatibilité entre le TBI et certains principes du droit de l’UE. Cependant, les juges estiment que la CJUE ne s’est jamais prononcée sur cette question et qu’il est impossible de déduire la réponse de sa jurisprudence avec une certitude suffisante. Selon les conclusions de l’avocat général, M. Wathelet saisi de cette affaire, les clauses du TBI sont compatibles avec les articles 18, §1, 267 et 344 du TFUE.

En ce qui concerne le principe de non-discrimination fondée sur la nationalité, il s’agit de déterminer la validité d’un mécanisme de règlement des différends, né d’un TBI entre deux États membres, qui confère aux investisseurs d’un État le droit de recourir à l’arbitrage international contre un autre État, alors que les investisseurs d’autres États membres ne disposent pas de ce droit. L’avocat général effectue une analogie entre un TBI et une Convention préventive de la double imposition (CDI) pour laquelle la Cour a estimé qu’il n’y a pas de discrimination lorsqu’un État membre n’accorde pas aux ressortissants d’un autre État membre le traitement qu’il accorde par convention aux ressortissants d’un État membre tiers (CJUE 5 juill. 2005, aff. C‑376/03, RTD eur. 2006. 329, chron. D. Berlin ). En appliquant les principes dégagés dans le cadre d’une CDI, l’avocat général conclut à la conformité de la clause de règlement des différends du TBI au principe de non-discrimination fondée sur la nationalité.

Les conclusions énoncent, en outre, que la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel, prévu à l’article 267 du TFUE, ne fait pas obstacle à l’application d’une disposition telle que le recours à l’arbitrage prévu par un TBI. Pour parvenir à cette solution, l’avocat général vérifie que le Tribunal arbitral, qui permet le règlement des différends entre investisseurs et États, réunisse toutes les caractéristiques pour être considéré comme une « juridiction d’un des États membres ». Ces conditions – l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application par l’organisme des règles de droit, ainsi que son indépendance – étant réunies, l’article 267 du TFUE ne s’oppose pas à l’arbitrage comme mécanismes de règlement des différends.

En ce que concerne la compatibilité du mécanisme de règlement des différends par un tribunal arbitral avec l’article 344 du TFUE, les conclusions distinguent deux cas de figure. Si la Cour reconnaît que ces tribunaux d’arbitrage constituent des « juridictions des États membres », cela les oblige, sous peine de nullité pour contrariété à l’ordre public, à appliquer le droit de l’Union. De ce fait, la mauvaise application du droit de l’Union par les tribunaux arbitraux créés par les États membres, non seulement, engagerait la responsabilité des États membres concernés mais pourrait, le cas échéant, mener à la constatation d’un manquement de la part des États concernés. Si la Cour ne reconnaît pas cette qualité de « juridiction » aux tribunaux d’arbitrage, cela ne les rend pas pour autant contraires à l’autonomie du système juridique de l’UE. Dans un tel cas, l’avocat général admet qu’un différend entre un investisseur et un État membre n’est pas visé par l’article 344 du TFUE. Par ailleurs, le fait que le droit de l’Union soit applicable aux différends entre investisseurs et États n’implique pas que ces différends portent sur l’interprétation et l’application des Traités UE et FUE car le Tribunal arbitral se limite à statuer sur des violations du TBI et le champ d’application dudit TBI n’est pas identique à celui des Traités UE et FUE. Le TBI Pays-Bas/République slovaque n’a donc pas eu pour effet de porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les Traités UE et FUE.

Fuente: Dalloz