Le Parlement européen se déchire sur l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis
Le Parlement européen repousse le débat sur le Traité de libre-échange (MaxPPP)

AFP | le 10/06/2015

Le Parlement européen se déchire sur l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis

Strasbourg — Le Parlement européen a fini par reporter mercredi son vote sur l’accord de libre-échange en tractation avec les États-Unis, après s’être divisé sur la feuille de route à adresser aux négociateurs concernant les très controversés tribunaux d’arbitrage.

Les eurodéputés ne participent pas à la négociation par la Commission européenne de cet accord, connu sous l’acronyme de TTIP ou "Tafta", mais ils auront le pouvoir in fine de le rejeter, comme ils ne s’étaient pas privés de le faire en 2012 avec l’Acta, un précédent accord commercial contre la contrefaçon.

Tout semblait prêt pour un vote sans encombre mercredi en plénière à Strasbourg: les principaux groupes politiques avaient scellé un compromis fin mai listant des "lignes rouges" à ne pas franchir pour que le Parlement puisse donner un jour son aval au TTIP, encore loin d’être conclu.

C’était sans compter avec les craintes grandissantes que suscitent les mécanismes d’arbitrage envisagés dans le cadre de l’accord commercial, désignés par l’acronyme ISDS, pour régler les différends pouvant survenir entre États et investisseurs privés.

Ces procédures permettant de contourner les juridictions nationales inquiètent dans nombre de pays européens car elles sont vues comme la porte ouverte à une remise en cause par des multinationales des politiques publiques.

- "Manque de clarté" -

Face à une contestation grandissante, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, a proposé d’aller vers un tribunal international permanent pour régler les litiges, plutôt que d’avoir un mécanisme bilatéral.

Au Parlement, en commission du commerce, les socialistes, conservateurs du PPE (Parti populaire européen) et libéraux s’étaient entendus sur une formulation commune demandant des garanties sur le sujet.

Mais les socialistes ont ensuite déposé un amendement qui a fissuré l’accord. Ils ont demandé que soit clairement écrit dans la résolution commune à adopter que tout mécanisme faisant appel à une juridiction privée était écarté.

"Nous avons reçu des messages de gens qui ont critiqué un manque de clarté", s’est justifié le socialiste allemand Bernd Lange pour expliquer cette exigence.

Agacé, le PPE, dont certains membres ont fustigé une "manoeuvre" destinée à l’opinion publique, semblait dès lors prêt à voter contre la résolution si cet amendement était adopté.

Face au risque d’impasse, le Président du Parlement, Martin Schulz, a pris la main en décidant de reporter le vote pour laisser le temps à un nouveau compromis de se dessiner. Dans la foulée, les eurodéputés ont aussi reporté le débat qui devait précéder le vote.

"Ce dont nous avons besoin, c’est d’un texte fort du Parlement européen", a défendu M. Schulz. Un vote sans résolution commune au bout aurait vu l’assemblée "affaiblir son pouvoir" dans un domaine relevant de ses principales prérogatives, a-t-il soutenu.

- "Panique au Parlement" -

Des parlementaires ont cependant reproché au président socialiste d’avoir voulu préserver l’image de la grande coalition unissant les principaux partis dans son hémicycle.

"C’est panique au Parlement", a ironisé l’eurodéputé Vert français Yannick Jadot, qualifiant de "crapulerie politique" l’initiative de M. Schulz, qui "ne pouvait plus garantir un vote favorable" au TTIP "au président de la Commission, Jean-Claude Juncker et à Angela Merkel", la chancelière allemande.

Les socialistes "prétendent se battre pour l’emploi mais, en retardant le vote sur le TTIP, ils mettent en danger les emplois que va créer un accord de libre-échange", a pour sa part lancé Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux de l’Alde.

Leur position "revient à prendre en otage le Parlement européen", ont accusé les eurodéputés français du PPE Tokia Saïfi et Franck Proust, assurant que le compromis de mai entre les groupes avait déjà "tué" l’ISDS.

Hormis ce point de cristallisation des tribunaux d’arbitrage, les principaux groupes politiques, tous favorables au principe d’un TTIP, ont affiché leur refus commun d’une révision à la baisse des normes sanitaires, sociales ou environnementales européennes dans le cadre de cet accord.

Ils ont insisté pour qu’il permette une plus grande ouverture des marchés publics américains aux entreprises européennes.

La commission du commerce du Parlement, qui doit se réunir les 15 et 16 juin, va désormais devoir trouver un nouveau compromis avant qu’un vote en plénière ne soit à nouveau programmé.

source: AFP