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Institut Veblen | 17 juillet 2025
Les accords de protection des investissements français : un obstacle à la transition écologique
Etude sur le réseau français de traités bilatéraux d’investissements
Par Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou
Le GIEC et l’IPBES ont identifié les traités de protection des investissements comme un obstacle à la mise en place de politiques publiques ambitieuses en matière de climat et de biodiversité. Mais le sujet est encore trop peu identifié des décideurs qui pensent avoir réglé le problème avec la sortie du traité sur la charte sur l’Énergie.
La France est partie à 90 accords de protection des investissements avec 94 pays dont 84 sont en vigueur (6 ont été dénoncés mais la clause de survie reste active) et elle pourrait encore accroître la couverture géographique de son réseau si le CETA signé avec le Canada, venait à être définitivement ratifié.
Ces accords protègent un volume important d’investissements fossiles
La France est le troisième pays dont le réseau de traités d’investissements protège le plus d’émissions fossiles, selon une étude d’E3G de juillet 2024 (188M tonnes d’émissions CO2eq potentielles ou 9.4% du total).
Notre nouvelle étude dévoile quels sont les accords les plus protecteurs en la matière. Après le Traité sur la Charte de l’énergie, dont la France est sortie en 2023, arrivent en tête les traités bilatéraux d’investissement (TBI) avec les Emirats arabes Unis, le Qatar, la Chine, le Nigéria, l’Irak, le Mozambique, le Kazakhstan, la Libye, l’Argentine, Namibie et la Russie. Dans ces pays, les investissements français dans les énergies fossiles, protégés par des traités d’investissement, sont susceptibles de générer plus de 5 Mt de CO2eq annuels
Des oligarques russes sous sanctions européennes utilisent ces accords pour attaquer la France
Certains accords sont particulièrement obsolètes
Le réseau d’accords français n’est pas compatible avec les engagements et le droit de l’UE, en particulier :
C’est pourquoi Le Haut Conseil pour le climat devrait examiner la compatibilité de ces TBI avec les engagements climatiques de la France. Et le gouvernement français devrait mettre fin de sa propre initiative aux 76 accords dont la durée initialement prévue est arrivée à échéance et prévoir de dénoncer au fur et à mesure que cela deviendra possible les autres accords restants.
En l’absence d’action de la part de la France, la Commission européenne devrait lui demander, ainsi qu’aux autres États membres, de mettre fin à ces anciens TBI.
“Les eurodéputés, les députés et le Gouvernement français ont été moteurs dans la bataille du Traité sur la charte de l’Énergie, exigeant une modernisation ambitieuse et préférant un retrait de l’accord, faute d’y parvenir. Mais en matière de protection des investissements, le TCE reste l’arbre qui cache la forêt et la France a encore beaucoup de ménage à faire dans son stock de vieux traités qui posent exactement les mêmes défis que le TCE, voire encore plus.“ - Stéphanie Kpenou, chargée de plaidoyer pour la réforme de la politique commerciale européenne à l’Institut Veblen.
“Ces traités de protection des investissements sont pour une grande partie hérités de la décolonisation et ont été conçus pour défendre les intérêts des entreprises françaises dans les pays du Sud. Aujourd’hui, ces accords freinent et renchérissent les efforts des Etats partenaires et de la France pour mener des politiques climatique, environnementale et sanitaires ambitieuses et il est plus que temps de les démanteler. “ - Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen.