CIRDI. Carlyle vs Maroc : Tribunal arbitral constitué, l’instance peut commencer

Medias24 | 4 mars 2019

CIRDI. Carlyle vs Maroc : Tribunal arbitral constitué, l’instance peut commencer

Au Centre international pour le règlement des différends relatifs à l’investissement (CIRDI), l’espagnol Juan Fernando Armesto présidera le tribunal arbitral chargé de statuer sur le litige opposant le Maroc au groupe Carlyle, géant américain du capital-investissement.

Comme le veut la procédure, l’intéressé a été nommé d’un commun accord entre les parties. Deux autres arbitres avaient préalablement été nommés par chacune d’elles. La requérante, Carlyle, avait désigné Horacio Grigera Naón (Argentine). Défendeur, le Royaume avait pour sa part jeté son dévolu sur Samuel Wordsworth (Royaume Uni). Avec le président, ces derniers composent le tribunal arbitral.

Arbitre professionnel réputé et juriste de formation, Juan Fernando Armesto s’est surtout fait un nom dans la finance. Du côté institutionnel s’entend. Entre 1996 et 2000, l’intéressé avait présidé la Commission espagnole des valeurs mobilières et des changes, l’équivalent de l’Autorité marocaine du marché des capitaux au Maroc. En 2009, un jury organisé par le quotidien El Mundo l’avait inclus parmi les 20 personnalités «les plus importantes de la finance et de l’économie mondiales au cours des deux dernières décennies».

En tant qu’arbitre, la carrière du juriste demeure relativement récente. Ce professeur de droit commercial opère depuis 2001. Suffisant pour qu’il agisse comme président, co-arbitre et arbitre unique dans plus de 170 procédures, dont une cinquantaine d’arbitrages en matière d’investissement. Au préalable, M. Armesto avait fait quelques années en tant que conseil, et ce à l’occasion de son passage au cabinet d’avocats Uría Menéndez, où il est intervenu dans 40 arbitrages nationaux et internationaux.

Un dossier complexe

A 66 ans, l’intéressé s’attaque à un dossier complexe. Sa nomination pour présider l’arbitrage Carlyle / Maroc au Cirdi signifie la constitution du tribunal arbitral. L’instance est réputée engagée. Une première session devrait intervenir dans les prochaines semaines, et dans tous les cas avant les 60 jours de la constitution du tribunal, enregistrée le 21 février 2019.

Les premières sessions sont celles où se préparent l’agenda et le calendrier de la procédure. Les parties seront sollicitées sur leurs souhaits quant à la tenue du dossier. Pour un dossier de cette envergure, le moindre détail a son importance. A commencer par la langue utilisée au cours de l’instance. Le Maroc et Carlyle auront l’embarras du choix. Pour ne citer que le président, ce dernier maîtrise, outre sa langue natale, les langues anglaise, française, allemande, portugaise. Même si l’anglais, l’espagnol et le français demeurent les trois langues officielles du CIRDI, instance rattachée à la Banque Mondiale.

Le profil des avocats-conseils engagés par les parties laisse un indice quant au choix de la langue. Carlyle et le Maroc se font assister par des avocats anglophones. Le premier par Weil, Gotshal & Manges, cabinet New-yorkais, le deuxième par Christopher Harris, du cabinet londonien 3 Verulam Buildings.

Le conflit avait été enclenché suite à une requête de Carlyle, enregistrée le 22 aout 2018. Le fonds d’investissement reproche au gouvernement marocain d’avoir "violé les termes de l’accord de libre-échange" conclu en 2004 avec les Etats-Unis.

La société de capital-investissement, qui gère un portefeuille de 184 milliards de dollars, affirme que ses "investissements ont été directement lésés" par "des actions fautives du gouvernement marocain", lit-on une mise en demeure datée du 30 janvier 2018, à différents départements ministériels.

Concrètement, les griefs adressés au gouvernement concernent, entre autres, la "cession", la "saisie" et la "collecte" de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés "appartenant à Carlyle" et stockés dans les citernes… de la Samir, société en liquidation et dont le requérant est également créancier. Le requérant réclame, à ce titre, 400 millions de dollars au titre de dédommagement. Cette somme correspond approximativement à la valeur du pétrole prétendument perdu (959.999 MTE).

Dans les faits, Carlyle avait déjà tenté de récupérer le stock de pétrole – dont il ne restait que 118.633 MTE – dans le cadre d’une requête devant la Justice marocaine, sans avoir gain de cause.

La firme américaine se positionne actuellement parmi les créanciers de la Samir, l’objectif étant d’obtenir l’équivalent pécuniaire du pétrole. Le 10 décembre 2018, le tribunal lui avait même reconnu une créance de 404 millions de dollars à laquelle elle devra concourir dans le cadre de la liquidation du raffineur. Fait intéressant, Carlyle demande ce même montant à ses assureurs, avec lesquels elle est également en litige.

Au CIRDI, Carlyle semble donc réclamer au Maroc ce qu’elle réclame à son créancier la Samir et à ses assureurs. Une redondance des demandes sur laquelle le tribunal arbitral devra se pencher.

Le nom de la Samir revient dans un autre dossier en cours au CIRDI, où le Maroc est là aussi défendeur. Dans ce deuxième litige, le Royaume doit faire face non pas au créancier du raffineur, mais à son actionnaire majoritaire. La société Suédoise Corral Morroco Holding y accuse son adversaire de non respect des obligations contenues dans le Traité bilatéral de protection des investissements, conclu entre le Maroc et la Suède.

Dans l’une ou l’autre affaire, l’argumentaire du Maroc n’a jamais été dévoilé.

source: Medias24