Commémoration des dix ans de la première sentence déclarant Texaco-Chevron coupable de son crime en Amazonie équatorienne

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UDAPT | février 2021

UDAPT - Union des communautés affectées par les opérations pétrolières de Texaco-Chevron

Commémoration des dix ans de la première sentence déclarant Texaco-Chevron coupable de son crime en Amazonie équatorienne

LAGO AGRIO - Le 14 février 2011, le président de la Cour provinciale de justice de Sucumbíos, à Lago Agrio, a prononcé la première condamnation de la compagnie pétrolière Texaco (devenue Chevron par la suite). Pour l’Union des communautés touchées par les opérations pétrolières de Texaco en Équateur (UDAPT), il s’agit d’un jour historique. Après plus de 18 ans de litige, l’accumulation de plus de 200 000 pages de documents de procès, 80 000 rapports d’analyses d’eau et de sédiments, 106 rapports d’experts, constituent une preuve accablante démontrant le crime commis par la compagnie pétrolière. Elle montre de manière évidente que les 30 000 personnes touchées, appartenant à huit peuples et nationalités indigènes (Cofán, Kichwa, Siekopai, Siona, Shuar, Waorani) et à diverses communautés paysannes, avaient raison dans leurs revendications. Ces preuves ont été décisives pour que le juge adopte cette décision et ordonne à la compagnie pétrolière de payer une somme de plus de 9,5 millions de dollars pour réparer les dommages causés par ses activités.

Cette sentence a été ratifiée par toutes les instances judiciaires équatoriennes, y compris par la Cour constitutionnelle de l’Équateur qui, en juin 2018, a rendu un jugement imprescriptible sans appel, mettant ainsi un terme au litige en Équateur. "Nous avons obtenu justice", a déclaré Justino Piaguaje, président du Siekopai, plaignant et dirigeant de l’UDAPT.

Cependant, dix ans se sont écoulés depuis la sentence du Lago Agrio, et à ce jour, la compagnie pétrolière refuse toujours de se conformer à la sentence. Au contraire, elle a décidé d’activer tout un système qui garantit l’impunité des transnationales. Ces actions comprennent notamment trois arbitrages internationaux qu’elle a intentés contre l’État équatorien. Le 31 août 2018, le tribunal d’arbitrage a émis une sentence favorable à la compagnie pétrolière qui prévoit notamment que le gouvernement équatorien prenne toutes les mesures nécessaires pour obtenir la nullité du jugement de l’affaire Lago Agrio et pour empêcher les plaignants de cette affaire de procéder à l’exécution du jugement en dehors de l’Équateur. Cette sentence a été amplement condamnée par la société civile internationale. Le 21 mai 2019, plus de 260 organisations, réseaux, syndicats du monde entier représentant plus de 280 millions de membres ont déclaré que cette décision viole les droits humains de plus de 30 000 personnes et qu’elle est inconstitutionnelle et inapplicable par l’État équatorien.
"L’affaire Chevron en Équateur est l’un des cas les plus emblématiques qui reflète l’impunité des sociétés transnationales dans le monde. Non seulement Chevron refuse de reconnaître la sentence équatorienne, mais il active également le système ISDS et en abuse pour perpétuer l’impunité. Cette entreprise profite de l’absence de normes et de lois internationales ou de traité contraignant ; par conséquent, les communautés touchées, où que ce soit dans le monde, ne peuvent pas saisir une véritable Cour internationale de justice et obliger la compagnie pétrolière à payer pour ces crimes", a déclaré Pablo Fajardo, l’avocat de l’UDAPT.

Il est inacceptable que le gouvernement de Lénin Moreno, au lieu de protéger les droits à la réparation des personnes touchées en Amazonie, se conforme à une sentence arbitrale qui porte atteinte à la souveraineté du pays. Cette situation est aggravée par le fait que l’affaire Chevron a fait partie des négociations préalables à l’accord avec le FMI (Fonds monétaire international), ouvrant la voie au paiement de millions en compensation à Chevron au moyen d’un prêt du FMI à l’Équateur.

Tous ces faits ont incité l’UDAPT à renforcer et à étendre la lutte sur la planète. Les communautés touchées ont la ferme intention de ne pas abandonner cette bataille tant qu’elles n’auront pas obtenu une réparation complète des dommages. C’est une lutte pour le bien commun, pour nos générations futures, ce n’est pas pour l’argent, c’est pour la vie, c’est pourquoi nous n’abandonnerons pas tant que nous ne nous serons pas assurés de remplir notre devoir envers les générations futures, a déclaré Donald Moncayo, un dirigeant de l’UDAPT.

Chevron compte parmi les sociétés transnationales qui polluent le plus la planète. Elle a été déclarée la société la plus opaque du monde, non seulement en raison du desastre environnementale dont elle est accusée, mais aussi parce qu’elle a créé des dizaines de filiales dans des paradis fiscaux afin de frauder le fisc et tenter d’échapper à la justice. La lutte des personnes concernées dévoile la nature du système judiciaire international. Il est clair qu’il n’est pas conçu pour protéger les droits des personnes concernées ou les droits de la nature, ni pour garantir la sécurité juridique des personnes concernées. Il est fait pour protéger les transnationales.

Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas lutter seuls, Nous devons mondialiser la lutte. Dans cette perspective, nous nous sommes joints à la campagne internationale visant à élaborer avec des centaines d’organisations un traité contraignant pour les transnationales en matière de respect des droits de l’homme, qui est actuellement débattu aux Nations unies. Nous participons également à une campagne internationale contre le système ISDS (Règlement des différends entre investisseurs et États) qui place les intérêts des sociétés transnationales au-dessus des droits humains. En septembre 2020, un tribunal néerlandais a rendu un jugement de première instance en faveur de Chevron et contre l’État équatorien. Bien que les personnes concernées ne fassent pas partie de ce processus judiciaire, il affecte leurs droits humains. Il a fallu le soutien de plus de 240 organisations représentant plus de 285 millions de membres dans le monde pour que l’État équatorien poursuive son action en annulation de la sentence arbitrale devant les tribunaux néerlandais. Malheureusement, jusqu’à présent, l’État ne nous a donné aucune information sur le contenu ou les résultats de cette action.

Malgré ces arbitrages, après 27 ans de lutte, la sentence du Lago Agrio est pleinement en vigueur. Elle est définitive et sans appel. Nous continuerons la lutte. Nous ne sommes pas seuls, nous continuerons à unir les forces, les luttes et les peuples dans le monde jusqu’à ce que nous obtenions l’accès à la justice, a conclu Willian Lucitante, coordinateur exécutif de l’UDAPT.

Contacts :
Équateur : Pablo Fajardo. Tél : +593 99 397 7811, Wilmer Lucitante, tél : +593 992348399,
courriel : lucitantewilmer@gmail.com
Europe (FR+ DE) : tel. : +41 78 206 44 38, couriel : UDAPT.eu@gmail.com

source: UDAPT