Vers la protection des droits de tous au niveau international

CNCD 11.11.11 | 19 octobre 2017

Vers la protection des droits de tous au niveau international

En 1959 l’Allemagne a conclu le premier traité bilatéral de protection des investissements. Depuis lors plus de 3000 traités de ce type ont été conclus dans le monde, incluant depuis les années 1970 le controversé mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS selon l’acronyme en anglais). Ces traités étaient initialement conçus pour éviter aux investisseurs d’être expropriés par des gouvernements sans recours judiciaire fiable.

Au cours des années les failles de ce système ont permis des abus par certaines firmes transnationales qui ont obtenu l’interprétation de plus en plus large des droits que leur accordaient ces traités, jusqu’à faire payer des millions à des autorités publiques pour avoir protégé la santé publique, l’environnement ou les travailleurs. Sous la pression de la société civile, la Commission européenne a proposé, dans le cadre des négociations des traités transatlantiques (TTIP puis CETA), de remplacer ce système par un Tribunal multilatéral des investissements (TMI).

Si ce tribunal peut représenter sous certaines conditions une correction des lacunes du système actuel, il n’apporte pas une réponse satisfaisante aux questions fondamentales posées par une large part de la société civile : face au modèle actuel de mondialisation économique, quels droits doivent être davantage protégés, les droits des firmes transnationales ou d’abord les droits humains, sociaux et environnementaux ?

Parmi les conditions à remplir, ce tribunal doit notamment remplacer les clauses « ISDS » existantes par un mécanisme permettant d’éviter les dérives qui restreignent les marges de manœuvre politiques des Etats pour adopter des législations sociales ou environnementales. De plus, ce tribunal supranational ne devrait pas affaiblir les tribunaux domestiques normaux en les contournant.

Mais notre principale préoccupation est d’éviter que le TMI ne renforce un système international déjà déséquilibré en faveur des firmes transnationales. Les entreprises locales, qui n’ont pas accès à un tel mécanisme, de même que les victimes de violations des droits humaines, sociaux et environnementaux par des firmes transnationales, sont ainsi moins bien protégées que les firmes transnationales dans le droit international.

La plateforme Commerce juste et durable considère donc que toute avancée en matière de protection des investisseurs doit être liée à des progrès préalables dans la protection des droits humains, en particulier sociaux et environnementaux.

En ce sens, la mise en place d’un tel Tribunal devrait être précédée par l’inclusion, dans tout accord de commerce ou d’investissement, d’un chapitre « développement durable » contraignant et assorti de mécanismes de plainte et de sanctions efficaces en cas de non-respect des normes sociales et environnementales. Ce mécanisme, pour ne pas dépendre de décisions gouvernementales, doit être accessibles directement par les populations affectées et/ou leurs organisations représentatives, tout en respectant les compétences des agences existantes comme l’OIT.

Dans le même ordre d’idées, à l’échelle mondiale, il convient de faire du respect des droits humains, sociaux et environnementaux des objectifs centraux, remettant le commerce et l’investissement à leur place : des outils pour servir cet objectif. Pour la plateforme, la mise en place d’un TMI doit donc être précédée par la conclusion d’un traité garantissant l’accès à la justice pour les victimes de violations des droits humains au long des chaînes d’approvisionnement mondialisées.

Des organisations de la société civile des quatre coins du monde ont lancé un appel en 2013 pour transformer ce principe en réalité via un nouveau traité [1]. Cet appel a été entendu par plusieurs Etats membres de l’ONU, qui ont initié au Conseil des droits de l’homme de l’ONU un processus visant à développer un tel instrument. Ce 23 octobre à Genève débute la troisième session du groupe de travail intergouvernemental ouvert créé à cet effet.

La session de 2017 sera la première session de négociation à proprement parler en ce que des premiers éléments de texte ont été publiés et seront discutés. Pour la plateforme, ce traité doit avoir l’ambition de changer réellement la situation sur le terrain. Nous avançons des propositions précises en ce sens.

La Plateforme attend des gouvernements belges qu’ils adoptent une attitude positive et constructive vis-à-vis des négociations en cours, fassent écho des préoccupations et recommandations exprimées ici* dans les débats en cours sur les trois propositions de tribunal multilatéral des investissements, de chapitres « commerce et développement durable » et de traité sur les entreprises et les droits humains, et qu’ils tentent de convaincre les autres Etats membres de faire de même. La Commission européenne elle-même affirme qu’elle entend la demande de plus de justice dans la mondialisation. Ces déclarations resteront lettre morte si elles ne sont suivies d’actes.

Signataire :
Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11
Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale de la CSC
Robert Vertenueil, Secrétaire général de la FGTB
Olivier Valentin, Secrétaire national de la CGSLB
Jean Hermesse, Secrétaire général de la Mutualité chrétienne
Jean- Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris
Vincent De Brouwer, Directeur de Greenpeace Belgique

source: CNCD 11.11.11