La Roumanie dit non à un projet en or nocif

L’Humanité | 17 juillet 2019

La Roumanie dit non à un projet en or nocif

par Éric Serres

L’État roumain en retirant son permis d’exploitation à une compagnie minière canadienne se voit aujourd’hui traîné devant les tribunaux internationaux.

L’entreprise canadienne réclame près de 6 milliards d’euros

Face à cette réalité, où l’on utiliserait chaque année des dizaines de milliers de tonnes de cyanure, où trois villages et près d’un millier de maisons et de nombreux sites inscrits au patrimoine national seraient rasés, les populations suivies par de nombreux politiques ont dit stop. Mal leur en a pris car, depuis, la bataille juridique a été engagée. Selon un communiqué de presse datant de mai 2019, Gabriel Resources ­réclame ainsi près de 6 milliards d’euros de dommages et intérêts. Une paille qui représente, ni plus ni moins 2,7 % du produit intérieur brut de l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne. C’est aussi huit fois plus que la somme que la compagnie a dépensée pour le développement de la mine (580 millions d’euros). Pour cette compagnie, les bénéfices sont donc ailleurs. Et elle peut compter pour cela sur le soutien financier d’un fonds spéculatif de Wall Street. Tenor Capital Management prend en effet à sa charge les honoraires des avocats de l’entreprise en échange d’une part conséquente du gâteau en cas de victoire. Face à ces batailles juridiques sans fin, nombreux sont les États qui préfèrent céder. « D’une solution de dernier recours rarement utilisée, l’ISDS est devenu un puissant instrument que les entreprises n’hésitent plus à brandir, souvent à l’encontre de politiques publiques qu’elles estiment préjudiciables à leurs bénéfices », explique ainsi Chris Hamby, journaliste au New York Times.

Avec la multiplication des traités commerciaux bilatéraux, comprenant à chaque fois une partie juridique protégeant les multinationales contre toutes décisions contraires à leurs intérêts, Ceta et Mercosur compris, l’augmentation des ­recours en justice n’a cessé de croître devant l’ISDS – instrument qui permet aux entreprises d’attaquer un État devant un tribunal arbitral international. C’est ainsi que les Amis de la Terre dans un rapport mettent en avant de nombreux cas d’abus, notamment en Roumanie. Depuis 2015, l’entreprise canadienne Gabriel Resources, spécialisée dans l’extraction minière, menace l’État, si celui-ci ne revient pas sur sa décision de ne plus lui délivrer un permis minier en Transylvanie. S’appuyant sur les traités bilatéraux d’investissement signés avec le Canada et le Royaume-Uni, cette compagnie poursuit la Roumanie au titre du règlement des différends entre investisseurs et États. Le projet de mine d’or de Rosia Montana est, il est vrai, le plus ambitieux d’Europe avec 3 600 emplois et plusieurs milliards de dollars de bénéfices pour l’économie du pays. Il est aussi un risque environnemental majeur.

source: L’Humanité