20 G $ US réclamés par GNL Québec : une demande discutable, selon des experts

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Radio-Canada | 11 mars 2023

20 G $ US réclamés par GNL Québec : une demande discutable, selon des experts

par Myriam Gauthier

La demande des promoteurs de GNL Québec et de Gazoduq, qui réclament une indemnisation de 20 milliards de dollars américains au gouvernement du Canada, suscite des questions aux yeux de certains experts.

Les promoteurs de GNL Québec ont déposé une demande d’arbitrage contre Ottawa pour avoir bloqué leurs projets de terminal de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay et de gazoduc de 780 kilomètres qui aurait relié le nord-est de l’Ontario au port de Saguenay.

Le gouvernement fédéral avait refusé d’autoriser le projet de terminal en février 2022.

La demande a été déposée devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) du Groupe de la Banque mondiale, situé à Washington.

Les promoteurs invoquent des arguments relatifs à l’Accord de libre-échange américain (ALENA) et à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Peu de détails ont été dévoilés sur la demande d’arbitrage et sur ses justifications. GNL Québec n’a pas voulu commenter le dossier samedi.

Demande jugée démesurée

La demande de 20 milliards de dollars apparaît démesurée aux yeux de Charles-Emmanuel Côté, professeur de droit à l’Université Laval, alors que le projet n’a jamais vu le jour.

« Ça m’apparaît à première vue un peu exagéré. Des demandes de 20 milliards de dollars, il n’y en a à peu près jamais eu dans ce type d’arbitrage. On est vraiment loin, loin de ça. Les plus grands montants qui ont été réclamés contre le Canada par le passé – et il n’a jamais eu à payer de tels montants –, c’était des demandes de 500 millions de dollars. »
— Charles-Emmanuel Côté, professeur de droit à l’Université Laval

Le professeur Côté se questionne dans ce contexte sur les chances de succès des promoteurs de GNL Québec devant le CIRDI.

Colin Pratte, qui est chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), se questionne également sur la façon dont GNL Québec fera valoir ses arguments.

Cette tentative d’obtenir des fonds des gouvernements pour le refus qu’ont essuyé les promoteurs est pour le moins discutable parce que la question qui est en jeu, c’est celle de déterminer quelle est la cause du rejet du projet. Est-ce que c’est la contestation sociale, les raisons écologiques? demande-t-il.

Institution critiquée

Le chercheur souligne également que le CIRDI est une institution critiquée.

« Ce tribunal, qui est tenu par la Banque mondiale, est d’ailleurs l’objet de vives critiques puisqu’il consiste grosso modo à attenter aux leviers politiques et réglementaires dont dispose un État pour décider des activités économiques qui se déroulent sur son territoire. »
— Colin Pratte, chercheur associé à l’IRIS

Le CIRDI agit comme un secrétariat qui soutient des tribunaux créés au cas par cas, selon les réclamations soumises, précise le professeur Charles-Emmanuel Côté.

C’est un centre qui est ouvert aux réclamations d’entreprises qui investissent dans un État autre que leur État d’origine; donc, des entreprises étrangères peuvent faire une réclamation contre un État autre qui a accepté d’admettre leur investissement sur leur territoire. Les parties s’engagent juridiquement à ce que la sentence soit obligatoire pour eux, explique-t-il.

Il s’interroge d’ailleurs sur les raisons d’invoquer l’ALENA dans la demande de GNL Québec alors que cet accord n’est plus en vigueur et a été remplacé par l’ACEUM.

Il n’y a plus de consentement à l’arbitrage de la part du Canada dans le nouvel ACEUM. Alors pourquoi cette réclamation, presque trois ans plus tard? demande-t-il.

Le professeur avance que les promoteurs comptent miser sur une période transitoire de trois ans inscrite dans l’ALENA mais que cette interprétation pourra être débattue.

Un refus qui doit être respecté, selon Mario Simard

Le député fédéral bloquiste de Jonquière, Mario Simard, estime pour sa part que GNL Québec doit respecter les refus d’Ottawa et de Québec.

Maintenant, je me demande : qu’est-ce que ça prend à GNL pour comprendre que ce projet-là ne se fera pas au Québec? J’ai l’impression que l’entreprise cherche peut-être à avoir une entente hors cour où elle pourrait gommer les dépenses qui ont été associées à son projet. Si tel est le cas, ça envoie vraiment un mauvais signal à la population. Ça envoie un mauvais signal aux payeurs de taxes qui auront à débourser pour ce projet-là, s’est-il inquiété.

Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, n’était pas disponible samedi pour réagir à cette nouvelle.

Pour sa part, le député conservateur de Chicoutimi-Le Fjord, Richard Martel, qui avait donné son appui au projet de GNL Québec lors des audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, n’a pas voulu commenter la demande d’arbitrage de GNL Québec samedi.

Le Port de Saguenay, où le projet de terminal de liquéfaction devait voir le jour, n’a également pas voulu commenter ce recours.

source: Radio-Canada