ConsoGlobe | le 17 juin 2015
TAFTA : la mobilisation citoyenne fait avancer le dossier
Le Parlement européen ne parvient pas à s’imposer sur le dossier controversé d’un accord commercial transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis, dit « TAFTA ». Suite à la décision du président du Parlement Européen le 10 juin de reporter le vote consultatif des eurodéputés sur le sujet, il faut se rendre à l’évidence : c’est la mobilisation citoyenne qui fait actuellement avancer le dossier.
Les citoyens européens contre TAFTA
Les remous autour de TAFTA (ou TTIP dans son acronyme anglophone) ne datent pas d’hier et plusieurs collectifs ont été rapidement montés pour contrarier les actions possibles de la Commission européenne. En décembre 2014, celle-ci invalidait l’initiative citoyenne de Stop TTIP contre le projet de traité transatlantique, qui avait pourtant rassemblé plus d’un million de signatures. De quoi compliquer les revendications citoyennes. Aux deux millions de signatures finalement rassemblées par l’initiative citoyenne s’ajoutaient des milliers d’e-mails envoyés aux députés européens par des citoyens s’opposant aux pouvoirs renforcés de multinationales.
Les raisons de la gronde
Pour mieux comprendre la gronde, revenons brièvement sur les arguments des opposants et notamment la vidéo du collectif #DATAGUEULE :
Ce que les différents collectifs dénoncent, c’est l’harmonisation induite par TAFTA, soit la possible remise en cause de réglementations européennes protectrices, notamment dans le domaine agro-alimentaire, comme le rappelle l’association France Nature Environnement.
Aux Etats-Unis, bon nombre de pratiques sont permises à l’inverse de l’Europe, et notamment une part plus grande pour les OGM bien entendu, mais également les farines animales, les hormones de croissance et les antibiotiques pour l’élevage des bovins, le chlore et assimilés pour rincer la viande, ainsi que la ractopamine pour les animaux d’élevage et notamment les porcs, interdite dans plus de 160 pays, que les producteurs de porcs américains veulent imposer.
Autre différence : la traçabilité de la viande, obligatoire en Europe et parfaitement facultative aux Etats-Unis, ou encore le nombre d’additifs alimentaires autorisés.
TAFTA : des craintes partagées
Ces revendications ne sont pas le fait des seules organisations de la société civile. Jean Arthuis, eurodéputé centriste, voit ainsi dans le projet de traité 7 risques majeurs :
– L’arbitrage privé des litiges entre Etats et entreprises, qui remet en cause la souveraineté des Etats.
– La remise en cause du système européen des appellations d’origine.
– L’espionnage des particuliers, comme révélé par l’affaire Snowden.
– La création d’un espace financier commun transatlantique, sans régulation commune de la finance.
– La remise en cause de la protection sanitaire européenne.
– La remise en cause du dumping monétaire pratiqué par les Etats-Unis.
– L’insuffisante protection de l’exception culturelle.
Des risques pour la justice et les normes européennes
Outre ces différences, le partenariat transatlantique concerne également la justice : à l’image de ce que Bayer avait déjà tenté concernant les abeilles, les firmes internationales auraient la possibilité de poursuivre un ou plusieurs gouvernement devant des tribunaux privés. Les décisions locales ou plutôt nationales sur les plans sanitaire, alimentaire, social et environnemental, sont concernés, comme l’explique une vidéo de SumOfUs :
Cela concerne également l’agroécologie, la fracturation hydraulique, et même la protection sociale ou les salaires, si les mesures prises par les Etats contrarient le profit des entreprises.
Le Parlement européen n’a pas dit son dernier mot sur TAFTA
Le projet de résolution sur le traité transatlantique TAFTA avait été adopté le 28 mai par la commission Commerce international du Parlement européen (INTA) et devait être voté en séance plénière par la Commision le mercredi 10 juin, une action reportée par le Président du Parlement Martin Schulz et le rapporteur Bernd Lange, avec l’approbation du groupe conservateur PPE.
En cause : pas d’accord politique, une première historique pour la Commission, signe également de la faiblesse de la mandature actuelle face au Conseil (les gouvernements) et à la Commission européenne. Et de la division des eurodéputés devant le manque de transparence des négociations et leur complexité.
Le texte de résolution sur TAFTA sera désormais probablement réexaminé par le Parlement européen en juillet.