ISDS à une dangereuse croisée des chemins

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S2B | 6 mars 2017

ISDS à une dangereuse croisée des chemins

La mondialisation se trouve à une dangereuse croisée des chemins. Une voie mène vers une protection accrue des droits humains et environnementaux et vers une reconquête de l’espace politique pour que les gouvernements puissent affronter les changements climatiques, les inégalités et les autres problèmes urgents de notre époque. L’autre voie nous mène vers un accroissement des droits des grandes entreprises pour harceler les décideurs et les faire payer quand ils règlementent en faveur de l’intérêt général et non uniquement en faveur de quelques intérêts particuliers. La proposition de la Commission européenne d’un mécanisme multilatéral pour régler les différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS en anglais) - appelé officiellement Cour multilatérale ’investissement - nous entraînerait dans cette seconde voie. Ce projet menace de verrouiller à jamais un mécanisme RDIE très controversé et qui ne profite qu’aux grandes entreprises.

Lorsqu’en novembre 2015, la Commission européenne publiait sa proposition de négociation pour les droits des investisseurs étrangers dans le TAFTA (Traité transatlantique sur le commerce et les investissements) avec les Etats-Unis, elle annonçait qu’ "elle allait commencer à travailler avec d’autres pays pour mettre en place une Cour juridictionnelle permanente en matière d’investissements qui "pourrait remplacer complètement le mécanisme du ’vieux RDIE’ [Règlement des différends investisseurs-Etats] par un système moderne, efficace, transparent et impartial pour la résolution des contentieux internationaux sur ’investissement".

C’était - et cela reste - une tentative à peine voilée de redonner leur légitimité aux droits controversés des investisseurs dans le TAFTA et d’autres traités commerciaux, au moyen d’un toilettage superficiel des procédures qui rend les poursuites investisseurs-Etats plus transparentes, susceptibles d’appel et moins exposées aux conflits d’intérêts, mais qui n’aborde pas les problèmes fondamentaux liés aux privilèges des investisseurs. Le tollé général qui s’ensuivit alors avait forcé la Commission européenne à arrêter les négociations sur le chapitre du TAFTA relatif à l’investissement et à organiser une consultation publique sur ce thème. Chose jamais vue, plus de 150 000 personnes y participèrent et plus de 97 % des signataires rejetèrent les privilèges des entreprises. L’opposition provenait d’un spectre large et divers de la société, comprenant des entreprises, des exécutifs locaux ou régionaux, des universitaires, des syndicats et d’autres groupes d’intérêt public. Pour couronner le tout, plus de 3,5 millions de citoyens signèrent une pétition contre le TAFTA et le CETA ou AECG, Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, "car ils contiennent plusieurs éléments critiques comme le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats... qui représentent une menace pour la démocratie et l’Etat de droit".

Depuis sa proposition pour le TAFTA en 2015, la Commission a réussi à inscrire un mécanisme multilatéral de résolution des différends entre investisseurs et Etats dans le CETA et dans l’accord commercial entre le Vietnam et l’Union européenne. La Commission a abordé cette question avec d’autres pays et acteurs, a publié plusieurs documents pour orienter la discussion (dont certains étaient soutenus par le Canada) et elle a lancé une consultation publique sur sa proposition - un premier pas vers l’objectif déclaré de la Commission d’obtenir des Etats-membres un mandat pour négocier une convention établissant un mécanisme multilatéral pour le règlement des différends entre investisseurs et Etats en 2017.

C’est dans ce contexte que le Réseau de Seattle à Bruxelles (S2B) a élaboré la position suivante.

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source: S2B