La gouvernance des investissements internationaux et la réalisation d’un avenir carboneutre équitable

All the versions of this article: [English] [français]

CCSI | November 2022

La gouvernance des investissements internationaux et la réalisation d’un avenir carboneutre équitable

Introduction

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé que le
monde dispose de moins de 30 ans pour décarboniser entièrement l’économie mondiale et
éviter un changement climatique désastreux et irréversible.1 La décarbonisation mondiale
nécessitera des efforts considérables et aura des répercussions sur chaque pays. Dans le
cadre de l’Accord de Paris, les États se sont engagés à limiter le réchauffement de la planète
à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a
étayé la position selon laquelle le monde doit parvenir à la carboneutralité d’ici à 2050, avec
des progrès considérables d’ici à 2030, pour avoir une chance de réaliser cet objectif.2

Pour garantir un avenir sans carbone, 80 % de tous les actifs de combustibles fossiles
résiduels doivent rester dans le sol,3 et selon l’AIE, aucun nouveau gisement de gaz ou de
pétrole ne devrait être homologué, et aucune nouvelle mine de charbon ne devrait être
exploitée.4 Une élimination progressive et accélérée de l’énergie fossile doit avoir lieu – peu
ou pas d’infrastructures d’énergie fossile peuvent être construites, et une grande partie de
celles déjà en place devront peut-être être retirées prématurément.5

Les secteurs de la navigation et du transport – du transport aérien et du fret aux systèmes
de transport public dans les villes du monde entier – doivent également être rapidement
décarbonisés. Les normes d’efficacité énergétique des automobiles, des bâtiments et des
appareils devront être renforcées. D’autres facteurs contribuant aux émissions industrielles,
tels que la production et le traitement de matériaux essentiels comme le ciment, l’acier et les engrais, doivent également être réduits ou remplacés.

Alors que la grande majorité des réserves de combustibles fossiles doivent être laissées dans
le sol et que les infrastructures existantes doivent être retirées, des milliers de milliards de
dollars devront être investis pour que le monde puisse développer l’accès à des énergies
renouvelables financièrement abordables.6 La transition énergétique zéro carbone exigera
une mobilisation sans équivalent des ressources financières pour investir dans la production,
la transmission, la distribution et le stockage des énergies renouvelables, la modernisation
des infrastructures existantes, le développement de nouvelles technologies et la capture du
carbone dans la mesure nécessaire.

Des investissements seront nécessaires pour « développer l’infrastructure et améliorer
la technologie afin d’approvisionner en services énergétiques modernes et durables tous
les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, des
petits États insulaires en développement et des pays en développement sans littoral. »7
Heureusement, les pays africains disposent d’un énorme potentiel en matière d’énergies
renouvelables, notamment dans les domaines de l’énergie éolienne, solaire, géothermique
et hydraulique.8 Beaucoup d’entre eux possèdent aussi les minéraux indispensables à la
production de technologies d’énergie renouvelable – des minéraux dont le reste du monde
dépendra.

De nombreuses régions dépendent également de l’extraction de combustibles fossiles pour
leursf revenus, et la majorité des actifs liés à ces combustibles qui devront être abandonnés pour respecter les engagements climatiques sont implantés à l’intérieur de leurs frontières.
Par exemple, neuf pays d’Afrique figurent parmi les 40 pays dont la part du PIB la plus élevée
provient des revenus du pétrole et du gaz – la proportion varie de 12 % à 81 % des recettes
publiques sur une période de trois ans.10 Les pays producteurs de pétrole à faible revenu seront particulièrement touchés par la baisse des prix du pétrole, car leurs coûts de production ne seront pas mondialement concurrentiels lorsque la demande déclinera.11

Bien qu’elles aient le moins contribué aux émissions historiques, les économies en développement seront les plus touchées par le changement climatique et la transition énergétique. Les économies en développement et émergentes d’Afrique, d’Asie et des Amériques sont les plus vulnérables aux impacts physiques et financiers du changement climatique. Elles ont les niveaux d’électrification
les plus bas et la plus grande dépendance énergétique vis-à-vis des combustibles fossiles.
Conformément au dernier rapport du GIEC, au moins 3,5 milliards de personnes vivent dans des endroits qui ont déjà cruellement besoin de s’adapter aux effets du changement climatique ; le rapport estime que les pays en développement auront besoin à eux seuls de 127 milliards de dollars par an pour couvrir les coûts d’adaptation.12

Il est primordial que ces pays reçoivent les investissements directs étrangers (IDE) et le soutien financier requis pour atténuer le changement climatique et s’y adapter, ainsi que pour faire face aux impacts et aux dommages liés au climat.13 Le déficit de financement des économies en développement est accentué par la mauvaise notation du risque souverain, due à des systèmes de classification mal conçus.14

Jusqu’à récemment, le droit et la politique de l’investissement international ont été largement négligés par les négociateurs lors des réunions internationales sur le changement climatique telles que la Conférence des Parties (CdP) à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), malgré le rôle important qu’ils jouent pour faire avancer ou entraver les efforts de lutte contre le changement climatique.

Le dernier rapport du GIEC reconnaît que si les traités d’investissement ont le potentiel de jouer un rôle dans la promotion des investissements nécessaires, les traités tels qu’ils sont rédigés risquent de retarder ou d’empêcher les actions nécessaires en matière de climat.15 Comme le souligne le rapport du GIEC, les protections accordées aux investisseurs par le droit international des investissements permettent aux entreprises de combustibles fossiles, à d’autres investisseurs
à fortes émissions et à leurs actionnaires de poursuivre les gouvernements pour des actions et des réglementations – y compris celles prises pour se conformer aux engagements climatiques –
qui ont un impact négatif sur les résultats de leurs investissements.

Cependant, un régime d’investissement international entièrement inédit, conçu dans l’optique du climat et d’autres objectifs mondiaux, pourrait servir d’outil pour accélérer les investissements nécessaires à la résolution de la crise climatique et pour faciliter la coopération internationale en vue d’atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et de développement.

Lire la suite (pdf)

source: CCSI