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Veblen | 27 juillet 2023
La procédure d’arbitrage engagée par RWE contre les Pays Bas après la décision de sortie du charbon est irrecevable en droit communautaire
La procédure d’arbitrage engagée par l’entreprise énergétique allemande RWE contre l’État néerlandais sur la base du traité sur la charte de l’énergie (TCE) est irrecevable au regard du droit de l’Union européenne selon la Cour fédérale de justice de Karlsruhe. Dans le cadre de l’appel interjeté par RWE, la Cour confirme ainsi le verdict du tribunal de première instance de Cologne qui avait déjà déclaré l’an dernier les procédures d’arbitrage de RWE et d’Uniper.
Si cette décision de la plus haute juridiction allemande envoie un signal très fort, elle n’a pas d’incidence directe sur la procédure d’arbitrage. En outre, les contribuables néerlandais ont déjà supporté 5,4 millions d’euros de frais d’arbitrage dans les affaires RWE et Uniper selon les calculs de l’ONG SOMO. (voir l’article complet de SOMO en anglais)
Rappel des faits
En 2019, les Pays Bas ont décidé d’interdire l’utilisation du charbon dans la production d’électricité d’ici à 2030 pour tenir leurs objectifs de réduction des émissions de GES dans le cadre de l’Accord de Paris.
Début 2021, les deux entreprises énergétiques RWE et Uniper ont déposé une demande d’arbitrage auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) sur la base du TCE. Elles réclament par le biais de ces litiges des dommages pour un montant total de 2,4 milliards d’euros.
En parallèle, RWE et Uniper ont aussi porté l’affaire devant des tribunaux nationaux. À la fin de l’année 2022, le tribunal de La Haye a jugé que les mesures prises par le gouvernement néerlandais avec l’interdiction du charbon pour réduire les émissions de CO2 étaient légales, proportionnées et prévisibles. RWE et Uniper ont fait appel de cette décision.
Uniper s’est finalement retirée de la procédure d’arbitrage au début de l’année 2023 à la demande du gouvernement allemand, qui a repris la société mère allemande en difficulté à la fin de 2022. Le tribunal arbitral a confirmé la clôture de la procédure d’arbitrage en mars refusant de faire porter à l’entreprise plaignante la totalité des frais juridiques des deux parties au différend. Les réponses aux questions parlementaires révèlent que cette affaire a coûté 1,8 million d’euros aux contribuables néerlandais.
L’affaire RWE avait été temporairement suspendue dans l’attente de l’appel en Allemagne. La procédure a déjà coûté 3,6 millions d’euros à l’État néerlandais. Un coût exorbitant qui contraste fortement avec les procédures engagées devant les tribunaux néerlandais. Les frais de justice estimés que RWE a été condamnée à payer en tant que partie perdante ainsi que les intérêts légaux y afférents de la part de l’État néerlandais, ne s’élevaient qu’à 20 196 euros.
L’affaire RWE a été temporairement suspendue dans l’attente de l’appel interjeté en Allemagne. La procédure a déjà coûté 3,6 millions d’euros à l’État néerlandais. Ces coûts exorbitants dans le cadre d’un arbitrage international contrastent fortement avec les procédures devant les tribunaux néerlandais. L’ensemble des frais dans le litige arbitral se sont élevés à 147 000 euros, soit plus de sept fois les frais de contentieux estimés dans la procédure nationale.
Pour Bart-Jaap Verbeek, chercheur à SOMO : "L’interdiction du charbon dans la production d’électricité est une étape importante dans la réalisation des objectifs climatiques. Le verdict du tribunal de La Haye était déjà clair : les propriétaires des centrales électriques au charbon auraient pu voir venir l’interdiction depuis longtemps. Aujourd’hui, le tribunal de Karlsruhe indique également que les procédures d’arbitrage sont contraires au droit communautaire. Il est scandaleux que l’État néerlandais soit contraint de payer des millions en frais de justice pour défendre l’interdiction du charbon dans ces procédures d’arbitrage international. Ces coûts augmenteront encore si RWE décide de reprendre l’affaire, et c’est le contribuable qui devra en fin de compte payer".